Le moineau

Le moineau pépie. Le moineau sautille. Le moineau est inquiet. Il bat des ailes, frétille du croupion, bondit de branche en branche, volette sans cesse, se heurte aux fenêtres, boit dans un dé à coudre et debout devant le bar, un ristretto qui l'énerve plus encore. Il redoute l'immobilité, le piaf. Cette cervelle d'oiseau ne croit qu'en son mouvement permanent. Il retourne au boulot. Il téléphone. Il rédige des mails. Il martyrise son clavier cliquetant. Il poste ses humeurs sur Twitter. Il ne réfléchit pas plus loin. Il saute par la fenêtre pour courir ensuite vers le métro. Et il trépigne sur le quai. Il panique d'attendre.

Il n'a pas tort. Parfois, l'un de ses semblables s'arrête d'un coup. Il bascule sur le dos, pattes raides tendues vers le ciel.

Il faut alors qu'un horloger spécialisé passe à proximité. L'artisan sort de sa poche une petite clé brevetée et l'introduit dans le thorax immobile offert à sa pratique d'expert. Il remonte le mécanisme. Si le ressort n'est pas cassé, l'oiseau repart pour un tour.

Avouons-le, les horlogers se font rares et ils courent encore moins les rues. On ne répare plus grand chose.

On remplace. Le métier se perd. Il n'est guère rentable.

On fabrique désormais quelque part en Asie des sereins multicolores un peu vulgaires mais se rechargeant aisément sur l'entrée USB d'un ordinateur portable.

Les oiseaux ont bien changé dans le ciel de Paris.

Extrait du Bestiaire de mon jardin secret, éditions Murmure des Soirs, 2018