La musaraigne
Il est parfois bien difficile de s'y retrouver lorsque la musette empoigne la crocidure et que le crossope agrippe le nectogale. Un chat n'y retrouverait pas ses jeunes ou mettrait tout le monde d'accord en ne faisant qu'une bouchée de l'ensemble. Mais nous qui, à force de vivre en compagnie des bêtes, pencherions volontiers vers le végétarisme et qui n'avons point de goût pour ce genre de taxon, allons tenter d'éclaircir la situation. On le sait, les musaraignes aiment s'agripper les unes aux autres, surtout lorsqu'elles appartiennent à une même famille. Les jours de marché, on les reconnaît aisément, marchant en file indienne. Mais dès qu'elles dépassent l'échoppe des fruits et légumes pour s'en aller du côté de l'étal des insectivores, elles se mélangent dans le groupe sorex araneus qui lui-même se mêlait au crocidura lancodon qui flirtait depuis belle lurette avec sorex coronatus. Sans parler de la microgale cowani qui est copine comme cochon avec la sorex arcticus qui accueille bien volontiers la sorex vagrans, même si elle est plus commune. Voilà qu'à force de chercher la petite bête, on en a perdu même son latin.
Extrait du Bestiaire de mon jardin secret, éditions Murmure des soirs, mai 2018